Alors que Facebook fête ses 9 ans, le géant des réseaux sociaux devrait dévoiler une nouvelle application de géolocalisation en mars (source Bloomberg). Contrairement à Facebook Places, cette app se baserait sur de la géolocalisation passive (partage de votre localisation sans action de votre part). Facebook pourra-t-il s’imposer face à Foursquare?
La géolocalisation « sociale », longue histoire
Connaissez-vous Dodgeball, (non, pas le film, ni le jeu )? À une époque où ni Facebook, ni Twitter n’existaient, c’était le premier réseau social basé sur la géolocalisation lancé en 2000 (!), fondé par Denis Crowley et Alex Rainert. Basé sur les SMS, Dodgeball avertissait l’utilisateur lorsqu’un ami ou des lieux intéressants étaient proches.
Google en fît l’acquisition en 2005, puis Dodgeball ferma et fût remplacé par Google Latitude en février 2009. Ce dernier se base sur l’adresse IP de l’ordinateur pour localiser l’utilisateur. Sur mobile, le GPS, le wifi ou la triangulation cellulaire permettent la localisation. La géolocalisation est automatique, dite passive et permet de voir ses « amis » en temps réel sur une carte.
En 2008 à New York, Denis Crowley, qui avait quitté Google en avril 2007, et Naveen Selvadurai préparait un nouveau réseau social basé sur la géolocalisation, à l’instar de Dodgeball. Là, plus de SMS, ni de géolocalisation passive, l’utilisateur doit faire des check-ins et se localiser dans des lieux créés par les utilisateurs eux-mêmes. De plus, le service lance un système de gamification avec des badges, points et « mayorships« , ainsi qu’une « to do-list » et des conseils. Ce réseau social, nommé Foursquare, fût lançé au SXSW d’Austin (Texas) en Mars 2009, en même temps qu’un service similaire, Gowalla. Le new-yorkais Foursquare fît grande impression dans la presse techno de l’époque.
9 mois plus tard, Foursquare était disponible dans 100 villes dans le monde et atteint les 150 000 utilisateurs, contre 50 000 pour Gowalla disponible dans 92 pays. En 2010, les choses s’accélèrent pour Foursquare. Dès janvier, Foursquare abandonna sa sélection de villes pour ouvrir le réseau social à la planète entière comme son concurrent. Aussi, Foursquare lia des partenariats avec plusieurs grandes marques, comme Zagat ou MTV.
La barre symbolique d’un million d’utilisateurs fût atteinte le 22 avril 2010 et doublé dès Juillet! En août 2010, Foursquare avait 3 millions d’utilisateurs contre 400 000 pour Gowalla. En fin d’année 2010, Gowalla se résigna à s’ouvrir à la concurrence, quand Foursquare fêtait ses 5 millions d’utilisateurs et une croissance de 3 400% (250 000 utilisateurs en janvier 2010).
L’essor de la géolocalisation et de Foursquare ne passa pas inaperçu pour Facebook. Le réseau social de Mark Zuckerberg lança Facebook Places en août 2010, avec des fonctions basiques de check-in, sans gamification et en partenariat avec Gowalla et Booyah.
Fade et mal pensé, Facebook Places ne convient pas, malgré un potentiel de 100 à 250 millions d’utilisateurs. De plus, contrairement à Foursquare, la modération des lieux ne se fait pas ou mal, donnant une impression de bazar. Il n’était pas rare d’avoir plusieurs doublons du même lieu et/ou mal localisé.
Finalement, Facebook abandonna Places un an après son lancement en août 2011, absorba Gowalla en décembre 2011 et Foursquare rejoigna l’Open Graph de Facebook en Janvier 2012.
Du côté de Foursquare, la croissance et l’innovation continuèrent! Dès décembre 2010, Foursquare ajoute les photos à sa plateforme, avec des partenariats comme la nouvelle app du moment, Instagram. Et lorsque Facebook jetait l’éponge pendant l’été 2011, Foursquare fêtait ses 10 millions d’utilisateurs et 500 000 marques sur sa plateforme. Fin 2011, Foursquare avait 15 millions d’utilisateurs, était devenu un guide de recommandations sociales (avec l’Explorer et le « Radar »), ajoutait les événements (séances de ciné, matchs de sports et concerts) et permettait de réserver sa table dans des restaurants.
Présenté le 4 octobre 2011 en même temps que l’iPhone 4S et iOS5, Apple proposa son service de géolocalisation nommé « Find My friends » (Localiser mes amis). Lié à iCloud (service de Cloud computing), l’app permet de localiser ses amis à n’importe quel moment, à l’instar de Google Attitude. Mais avec un fort contrôle des données. L’utilisateur peut facilement couper la géolocalisation ou lancer une géolocalisation « temporaire ». Find My Friends est un service pour les utilisateurs d’iOS, sans partage vers d’autres sites. En soi, ce n’est pas un concurrent de Foursquare et de Latitude. Apple propose uniquement un service supplémentaire dans le seul but de vendre plus d’iPhone et iPad.
Le smartphone, « the New Frontier » de Facebook
Vieux de 20 ans, le smartphone fût démocratisé en 2007 avec le lancement de l’iPhone. Il est prévu par Gartner qu’il y aura plus d’un milliard de smartphones dans le monde, contre 2 milliards d’ordinateurs en 2013! Et selon Nielson, l’audience des réseaux sociaux aux USA est de 171,8 millions sur web mobile contre 163,6 millions de personnes sur ordinateur. Le succès d’Instagram le prouve, le smartphone est le futur des réseaux sociaux.
C’est tout le problème de Facebook : réussir sa transition vers le mobile et monétiser cette espace. En 2009, les utilisateurs mobiles de Facebook ne représentait qu’un tiers du nombre total. En 2012, ils représentaient les deux tiers! Palo Alto réagit en retravaillant ses apps, avec ajout de contenus sponsorisés dans le flux d’activité et en achetant Instagram. En Mars, nouvelle étape de la conquête du mobile, Facebook devrait lancer son app de géolocalisation.
L’app vous notifiera quand un ami est proche et pourra vous placer sur une carte. Elle devrait fonctionner en arrière-plan, même sans être lancée, le tracking sera donc automatique. Aussi, on pourrait retrouver des fonctions de Glancee, qui proposait une app indiquant les personnes autour de vous partageant les mêmes amis et centre d’intérêt. Graph Search pourrait, comme Glancee,utiliser les données utilisateurs pour proposer des lieux selon ses goûts.
Ainsi, Facebook sait déjà ce que vous aimez, ce vous écoutez, vos connections sociales et avec cette app, l’entreprise devrait pouvoir savoir où vous êtes. C’est déjà en partie le cas aujourd’hui, Facebook enregistre toutes les coordonnées GPS quand vous géolocalisez vos statuts et/ou photos. Mais avec cette app, Facebook apprendra de vos habitudes et pourra facilement placer des publicités géolocalisées et améliorer ses publicités existantes. Le réseau social pourra proposer aux entreprises des publicités notifiant les utilisateurs en fonction de leur géolocalisation. Par exemple, Starbucks vous proposerait une offre locale pour son café juste en passant devant l’un des lieux de vente. Une source de revenus supplémentaires et un attrait de plus pour la régie publicitaire de Facebook.
Facebook une menace réelle pour Foursquare?
Mais, il y a beaucoup de freins au succès de cette app. Facebook doit lutter contre l’ennui des utilisateurs : Une étude de Pew Internet montre que 61% des utilisateurs américains reconnaissent avoir délaissé Facebook. Pire, le réseau social inspire une certaine méfiance des utilisateurs par la manque de respect de la vie privée, comme le scandale Beacon. Le gouvernement américain et l’Union Européenne surveilleront surement de près tout débordement de cette app.
En plus, la future app de Facebook offre un service existant. Les apps Sonar et Banjo permettent déjà de recevoir des notifications quand des amis sont proches, en se basant sur plusieurs réseaux sociaux. En s’inspirant trop d’un modèle existant, Facebook ne se montre pas innovant.
Et il y a le soucis du modèle de géolocalisation. La géolocalisation sur les smartphones est loin d’être précise et défaillante dans les bâtiments. Elle dépend de la triangulation des antennes relais, comme de la qualité du GPS. Le tracking automatique risquerait de localiser les utilisateurs à plusieurs centaines de mètres, voire des kilomètres de leur emplacement réel! Ce manque de précision n’aide pas à bien comprendre les déplacements des personnes. Facebook fera facilement erreur entre différents lieux. Foursquare a pallié ce problème en créant le système des check-ins dans des lieux définis, comme dans la vraie vie. Il est plus facile de comprendre qu’un ami a fait un check-in dans le Starbucks du Hall 3 de la Gare de Lyon plutôt qu’avoir une localisation approximative. D’ailleurs, The Verge conseillait à Apple d’utiliser les 50 millions de lieux de Foursquare pour ses qualités.
Enfin, Facebook oublie encore l’utilité de la gamification. Qui voudra utiliser dans la durée une app donnant une géolocalisation brute de ses amis? Google Latitude et Find My Friends souffre de cette absence et ne connaissent pas le succès, faute d’attrait pour l’utilisateur. Et sans utilisation de l’app, Facebook aura moins de données.
Avec ces éléments, Facebook ne représente pas une menace en l’état pour Foursquare, même avec ses 680 millions d’utilisateurs mobiles. Selon Nielsen, Foursquare est la troisième app de réseau social la plus utilisé aux USA (10,4 millions d’utilisateurs), juste derrière Facebook (78 millions) et Twitter (22,62 millions).
Foursquare peut compter aussi sur 30 millions d’utilisateurs pour 3 milliards de check-ins, 1 millions d’entreprises à travers le monde et tous les services utilisant l’API de Foursquare, comme Instagram.
De plus, le réseau new-yorkais associe le partage de sa localisation entre amis avec la recommandation de lieux, les informations utiles (horaires, conseils, sites webs, notes, etc) les offres commerciales, en s’amusant et en étant à 100% mobile. Des services qui ne sont qu’embryonnaire dans la future app de Facebook. À Mark Zuckerberg de bien placer ses pions pour imposer Facebook dans la course à la géolocalisation.